Récompensé au festival de Sarlat avec les prix : prix du public, prix du jury jeune et prix des lycéens, le dernier film du scénariste et réalisateur français, Mathieu Kassovitz, L’ordre et la morale sème le trouble auprès des politiques. Un long métrage qui a mûri dans la tête du réalisateur pendant 10 ans et qui revient sur les événements survenus en Nouvelle-Calédonie au printemps 1988 suite à la prise d’otage de 30 gendarmes par des indépendantistes kanaks.
Pour raconter ces événements, il a choisi d’adapter le livre La morale et l’action de Philippe Legorjus, ancien capitaine du GIGN qui a participé à l’époque aux négociations. Un film plus qu’engagé pour Mathieu Kassovitz.
Mathieu Kassovitz, L’ordre et la morale : Le réalisateur parle de ses choix
Lors d’une interview pour le site excessif.com, Mathieu Kassovitz revient sur ses choix de réalisateur pour tourner son nouveau film, L’ordre et la morale. En adoptant le point de vue de Philippe Legorjus, partie prenante des négociations pour débloquer la situation sur place, Mathieu Kassovitz savait qu’il faisait un choix osé. Aujourd’hui, après avoir essuyé les critiques des politiques et des kanaks, peuple mélanésien, il s’explique :
« C’était aussi un moyen de leur montrer que je ne venais pas chez eux pour faire un film pro-kanak, que le film allait exposer une réalité qui n’est pas forcément celle qu’ils connaissent. Ils savent que Philippe Legorjus a vécu une histoire compliquée. Et même s’ils le considèrent comme un traitre, ils savent qu’il y avait quelque chose derrière et ils sont très heureux de pouvoir comprendre à travers ce film et ce scénario ce qu’il lui était arrivé et pourquoi il avait agi comme ça, pourquoi il a participé à cet assaut même si c’était en contradiction avec ses propres convictions. Ils ont approché le projet du film en disant « si ça peut nous apporter des réponses aux questions que l’on se pose. »
Et pourtant, le projet de Mathieu Kassovitz a été long à voir le jour et n’a finalement pas pu être tourné en Nouvelle-Calédonie en raison des oppositions qu’il suscitait. Un parti pris qu’il assume et dont il est fier.
En incarnant Philippe Legorjus, Mathieu Kassovitz prouve une nouvelle fois qu’il ne fait pas un film pour plaire à tout le monde mais pour défendre un point de vue, le sien, celui du réalisateur :
« C’était en effet une manière de montrer aux kanaks que je m’impliquais complètement. J’acceptais de prendre la responsabilité de jouer le traitre à leurs yeux. C’était aussi une manière de leur dire que je m’engage à fond et que s’il y a un problème, ils savent à qui s’adresser. Ce n’est pas un acteur qui va interpréter les choses d’une certaine manière, c’est le réalisateur qui prend cette responsabilité jusqu’au bout. Ca les a rassuré énormément, ils ont vu qu’il y avait une raison derrière, que j’étais motivé par quelque chose et qu’à priori on pouvait me faire confiance, ou pas. »
Mathieu Kassovitz, L’ordre et la morale : Après la censure vient la reconnaissance du public
Épisode peu glorieux de notre Histoire en tournant son film, L’ordre et la morale, Mathieu Kassovitz a dû faire face à des pressions politiques et à la censure. Pourtant le public est là derrière-lui et le soutien, c’est ainsi que lors du Festival de Sarlat, Mathieu Kassovitz a eu l’honneur de recevoir trois prix : prix du public, prix du jury jeune et prix des lycéens, un signe de reconnaissance qui a permis au réalisateur de prendre la parole :
« On a fabriqué une image globale qu’on a vraiment étayée de toutes les informations possibles pour être sûrs de ne pas raconter de bêtises. Cela permettra d’avoir une base de départ pour discuter, d’où l’intérêt de ne pas faire un film controversé. »
Et quant à l’affront des politiques, notamment Bernard Pons, Ministre des Départements et Territoires d’Outre-Mer à l’époque des fait, il répond :
« Je lui demande juste d’aller voir le film avant d’en parler. Quand on a préparé le film, on a contacté ces personnes qui ne nous ont pas répondu. Là où on a besoin de leur intelligence et de leur éthique, s’ils en ont encore, c’est pour reconnaître que l’Histoire, avec un grand H, que l’affaire d’État est vraie et n’est pas du tout biaisée. »
Mathieu Kassovitz, L’ordre et la morale : La bande-annonce
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L’ordre et la morale sort demain dans les salles obscures sauf en Nouvelle-Calédonie. Est-ce le genre de film que vous aimeriez aller voir ?